Cententaire de L’Obligation pour la roulette de Monte-Carlo de Marcel Duchamp

Marcel Duchamp (1887, Blainville-Crevon – 1968, Neuilly-sur-Seine)
Obligation pour la roulette de Monte-Carlo, no 27
c. 1924
Collage avec photographie de Man Ray sur une lithographie,
Collections de S.A.S. le Prince de Monaco
À l’occasion du centenaire de l’œuvre, Monte-Carlo Société des Bains de Mer, en collaboration avec le Palais princier de Monaco et le Nouveau Musée National de Monaco présente L’Obligation pour la roulette de Monte-Carlo de Marcel Duchamp, artiste majeur du XXème siècle et inventeur du concept de ready-made.
Cette version personnelle d’une obligation est composée d’une photo prise par Man Ray sur laquelle Duchamp, coiffé de mousse à raser et auréolé d’une roulette, apparaît en descendant cornu du dieu Pan. En arrière-plan, comme pour en assurer la non-reproductibilité, le jeu de mot « moustiques, domestiques, demistock » est répété en filigrane sur l’ensemble du document. Au dos sont imprimés des extraits des statuts de son entreprise fantaisiste dont les objectifs sont énoncés dans The Little Review :
« Marcel Duchamp a créé une société par actions dont il est l’administrateur. Les actions sont vendues 500 francs. L’argent sera utilisé pour mettre au point un système de jeu à Monte Carlo. Les actionnaires recevront 20 % d’intérêts. (…). Elles sont signées deux fois à la main par Rrose Sélavy (nom sous lequel Marcel est presque aussi connu que sous le vrai), et il y apparaît comme président de la compagnie. Si quelqu’un désire acheter des œuvres d’art inhabituelles pour faire un investissement, il a ici la possibilité d’investir dans un parfait chef-d’œuvre. Rien que la signature de Marcel seule vaut beaucoup plus que les 500 francs demandés pour l’obligation. Marcel a complètement arrêté de peindre et s’est presqu’exclusivement consacré ces dernières années au jeu d’échecs. Il se rendra à Monte Carlo au début janvier pour mettre en place cette nouvelle société. »
En effet, durant l’hiver 1924-1925, Marcel Duchamp produit sa première Obligation pour la roulette de Monte-Carlo dans le but de financer sa martingale. Typiquement duchampienne, cette vaine recherche de remporter sa mise associe deux notions qui traversent son œuvre : le hasard et la valeur. Grand joueur d’échecs, l’artiste dit vouloir « forcer la roulette à devenir un jeu d’éche». Ce faisant, il aborde le hasard de la roulette par le calcul et les probabilités. Mais, comme souvent chez Duchamp, l’enjeu est ailleurs. Il réside dans l’oisiveté mécanique d’un jeu dépourvu de but. En somme, il joue à jouer, non pas pour gagner, mais pour ne pas perdre, dans un équilibre constant entre pertes et gains, entre rationalité et passion.